LE PROCÈS
La genèse du procès des Templiers remonte à la chute de Saint Jean d'Acre le 28 mai 1291, qui entraîna la perte de la Terre Sainte. Dès lors le roi de France Philippe IV le Bel se posa la question de l'utilité des Templiers, visant à récupérer les biens fonciers et monétaires de l'Ordre.
La réalité est plus complexe et provient d'un conflit entre le pape Boniface VIII et le roi de France. Le pape avait affirmé la supériorité du pouvoir pontifical, car spirituel, sur celui des rois qui n'était que temporel. Philippe le Bel avait tenté d'organiser un concile dans le but de destituer Boniface VIII. La réponse du pape arriva sous la forme d'une bulle Super Patri Solio qui excommuniait le roi de France et ses descendants.
L'attentat d'Agnani, organisé par Philippe le Bel, Guillaume de Nogaret, légiste du roi et Sciarra Colonna contre le pape eut pour effet d'excommunier Guillaume de Nogaret. Le pape fut libéré par la population d'Agnani, mais brisé, mourut peu après.
Son successeur, le gascon Clément V avait pour projet d'organiser une autre croisade afin de reprendre la Terre Sainte, et de fondre en un seul ordre, les Hospitaliers et les Templiers, puisque ces derniers n'avaient plus leur utilité en dehors des terres d'Orient. Ce fut le sens de la lettre qu'il envoya au Grand Maître de l'Ordre, Jacques de Molay en 1306. Ce dernier refusa la fusion. Il manqua également de diplomatie en refusant la demande du roi de France d'être fait chevalier du Temple à titre honorifique.
Philippe le Bel et Guillaume de Nogaret organisèrent de faux témoignages à l'aide d'un Templier renégat, Esquieu de Floyran, qui disait que les Templiers étaient hérétiques, s'adonnaient à la sodomie, répudiaient le Christ, étaient coupables de baisers et pratiques obscènes, les accusaient d'adorer la tête d'une idole, et d'être simoniaques.
Par la bulle Faciem misericordiam, Clément V nomma en 1308 des commissions pontificales chargées d'enquêter sur l'Ordre, en marge de la procédure séculière engagée par le roi de France, Philippe IV le Bel. Treize Templiers furent arrêtés et soumis à la question par l'Inquisition. Sous la torture ils avouèrent ce que leurs tourmenteurs voulaient leur faire dire.
La rivalité opposant le Grand Visiteur de l'Ordre, Hugues de Payraud et le Grand Maître Jacques de Molay précipita la chute du Temple. Le premier voulait accéder à la demande du pape de fusionner l'Ordre avec les Hospitaliers, ce qui aurait mis l'Ordre à l'abri de Philippe le Bel, et ses possessions réparties entre les Hospitaliers et le Templiers. En outre, Payraud rappelait que l'obéissance au pape était une règle essentielle de l'Ordre.
Jacques de Molay demanda une enquête pontificale, mais le roi en ayant été informé, décida de précipiter les choses sans attendre les résultats de l'enquête. Le vendredi 13 octobre 1307, il fit arrêter tous les Templiers dans le royaume de France. Seuls échappèrent à l'arrestation, ceux qui vivaient en comtat Venaissin, dans les possessions du Pape, et ceux qui purent s'échapper.
Philippe le Bel enjoignit alors à tous les souverains européens d'arrêter les Templiers vivant dans leurs royaumes; tous refusèrent. Le roi de France ouvrit donc le procès des Templiers.
Cependant, l'ordre du Temple était un ordre religieux et ne pouvait subir à ce titre la justice laïque. Philippe le Bel demanda donc à son confesseur, Guillaume de Paris, aussi Grand Inquisiteur de France, de procéder aux interrogatoires des cent trente-huit Templiers arrêtés à Paris. Parmi ces chevaliers, trente-huit moururent sous la torture, mais le processus des " aveux " avait été enclenché, donnant lieu aux accusations d'hérésie et d'idolâtrie.
Pour protéger les Templiers, le pape décida de les entendre lui-même à Poitiers; il retira aux Dominicains de l'Inquisition tout pouvoir d'enquête et de question, Un convoi de Templiers arriva bien à Poitiers mais sans les dignitaires de l'Ordre retenus par le roi (soixante-douze en tout ) qui restèrent à Chinon, sous le prétexte qu'ils étaient trop faibles pour continuer jusqu'à Poitiers.
Le pape envoya à Chinon deux cardinaux qui entendirent les dignitaires de l'Ordre et qui au nom du Pape Clément V leur donnèrent l'absolution et les réintégrèrent dans la communauté catholique et dans les sacrements de l'Eglise.
Lors de la commission pontificale, Ponsard de Gisy, Précepteur de la Commanderie de Payns dénonça les aveux faits sous la torture et quinze Templiers sur seize clamèrent leur innocence.
Pressé et voyant que le procès risquait de lui échapper au profit du pape, Philippe le Bel nomma à l'archiépiscopat de Sens un archevêque qui lui était entièrement dévoué, Philippe de Marigny. Celui-ci envoya au bûcher le 12 mai 1310 cinquante-quatre Templiers qui étaient revenus sur leurs aveux extorqués sous la torture.
Lors du Concile de Vienne qui se tenait le 16 octobre 1311, Philippe le Bel voulut faire pression sur le pape et arriva sur place avec des gens en arme le 20 mars. Furieux, le pape, émit deux bulles Vox in Excelso qui ordonnait l'abolition de l'Ordre, mais pas définitivement.
Puis il émit deux autres bulles : Ad Providam qui concernait les biens du Temples qui étaient légués en totalité aux Hospitaliers (sauf Espagne et Portugal ou deux ordres naquirent par décision des souverains afin de donner asile aux Templiers: l'Ordre de Montesa et l'Ordre du Christ), et la bulle Considerentes dudum qui déterminait le sort des Templiers : ceux qui avaient avoué ou qui avaient été déclarés innocents se voyaient attribuer une rente et pouvaient vivre dans une maison de l'Ordre.
Le sort des dignitaires de l'Ordre restait entre les mains du pape.
Devant la commission pontificale constituée de trois cardinaux dévoués au roi et d'avoués, les quatre plus haut dignitaires de l'Ordre avouèrent et apprirent sur le parvis de Notre Dame qu'ils étaient condamnés à la prison à vie.
Toutefois, Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay clamèrent leur innocence. ils furent déclarés relaps et condamnés au bûcher où ils périrent courageusement le 18 mars 1314.
La majeure partie des chevaliers du Temple qui n'ont pas été exécutés sont retournés à la vie civile ou ont rejoint d'autres ordres religieux qui les ont accueillis.
L'original du parchemin de Chinon a été retrouvé en 2002 par l'historienne Barbara Frale dans les archives secrètes du Vatican et a été publié en 2007 avec l'ensemble des documents relatifs au procès.
Il indique que le Pape a bien absous les dirigeants de l'Ordre. Leur condamnation et leur mise à mort est donc bel et bien la responsabilité du roi Philippe le Bel et non celle du pape ni de l'Eglise.
Le pape a cherché à protéger et à sauver la vie des Templiers en voulant les fondre dans l'ordre des Hospitaliers.