L'EXPANSION EN ORIENT ET LE RETOUR
L'Ordre grandit en prestige grâce à ses victoires, à la droiture et la rigueur dont faisaient preuve les chevaliers du Temple, et à l'honneur qu'ils mettaient à accomplir leurs différentes missions, qu'elles fussent militaires ou bancaires.
Les Templiers exerçaient une activité économique pour payer les frais inhérents au fonctionnement de l'Ordre et les dépenses de leurs activités militaires en Orient. Ces prêts étaient sans usure car celle-ci était interdite par l'Eglise aux chrétiens et encore plus aux religieux, comme le dit le Deutéronome 23:19 : " Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour l'argent, ni pour vivres, ni pour aucune autre chose qui se prête à intérêt. "
Les Templiers prêtaient de l'argent à toutes sortes de personnes ou institutions : pèlerins, croisés, marchands, congrégations monastiques, clergé, rois et princes
Lors de la croisade de Louis VII, le roi de France sollicita une aide financière auprès des Templiers lors de son arrivée à Antioche. Celle-ci lui fut accordée et le roi écrivit à son intendant Evrard des Barres en parlant des Templiers : " Nous ne pouvons pas nous imaginer comment nous aurions pu subsister dans ces pays sans leur aide et leur assistance… Nous vous notifions qu'ils nous prêtèrent et empruntèrent en leur nom une somme considérable. Cette somme doit leur être rendue. "
La Maison du Temple Jérusalem fut le siège central de l'Ordre depuis sa fondation en 1129 et jusqu'en 1187, date de la chute de la ville reprise par Saladin.
Le siège central fut alors transféré à Acre, ville portuaire au nord du pays. En 1291, suite à la perte de la ville par les chrétiens le siège de l'Ordre fut à nouveau transféré, cette fois à Chypre. C'est là que vivait le dernier Grand Maître de l'Ordre, Jacques de Molay, avant son retour en France.
Le siège de l'Ordre n'a jamais été installé en Occident.
Les forteresses orientales
Pour palier la faiblesse de leurs effectifs, les croisés entreprirent la construction de forteresses dans les États latins d'Orient. Les Templiers participèrent à cet élan en faisant édifier pour leur besoin de nouveaux châteaux forts. Ils entreprirent également de reconstruire ceux qui avaient été détruits par
Saladin en 1187. La place forte était à la fois un établissement militaire, économique et politique de l'Ordre.
Après la chute de Jérusalem en 1187, les chevaliers du Temple résistèrent encore quelques mois dans certaines de leurs places fortes, mais peu à peu en perdirent la majeure partie.
Le dispositif militaire de l'Ordre en Terre Sainte se reconstitua seulement au moment de la troisième croisade menée par les rois de France, d'Angleterre et d'Allemagne.
Dans le royaume de Jérusalem, les quatre forteresses que possédaient les Templiers étaient : le Château Pèlerin, construit en 1217, la forteresse de Safed, le château de Sidon et la forteresse de Beaufort.
Dans le comté de Tripoli, ils construisirent les châteaux de Tortose, d'Arita et du Chastel Blanc.
Plus au nord, dans la principauté d'Antioche, les places fortes templières étaient Baghras, Roche de Roissel et Roche-Guillaume.
Les forteresses ibériques
L'Ordre reçut en 1128 en première donation de la part de la comtesse régnante du Portugal, Thérèse de Leon, veuve d'Henri de Bourgogne, le château de Soure et ses dépendances. Dès 1130, l'Ordre avait reçu 19 propriétés foncières. Vers 1160 le château de Tomar devint le siège du Temple au Portugal.
En 1143 Raymond-Béranger IV, comte de Barcelone demanda aux chevaliers du Temple de défendre l'Eglise d'Occident en Espagne et de combattre les Maures. Les Templiers acceptèrent et défendirent et pacifièrent les frontières chrétiennes, tout en colonisant l'Espagne et le Portugal, en invitant une nouvelle population chrétienne à s'installer autour des châteaux donnés aux Templiers.
Ceux-ci participèrent à la Reconquista et à la prise de Valencia, à la conquête de l'Andalousie et du royaume de Grenade, ainsi qu'à la réunion de Majorque au royaume d'Aragon.
Au Portugal ils prirent part à la prise de Santarém (1146) et à celle d'Alcacer do Sal (1217).
L'expansion des Templiers a été plus significative dans la péninsule ibérique qu'en Orient. Ils possédaient plus de places fortes (au moins de soixante-douze rien qu'en Espagne et six au Portugal). c'est d'ailleurs dans ces régions que les constructions résistèrent le mieux à l'outrage des ans.
Les forteresses en Europe de l'Est
En Europe de l'Est, où les Templiers s'implantèrent également, ils eurent à faire face au paganisme. Des territoires comme la Pologne, la Bohême, la Moravie, la Hongrie, la Lituanie étaient fortement marqués par un courant paganiste, notamment dans les parties non défrichées.
La christianisation catholique se faisait à l'initiative des princes germaniques convertis et avec l'appui des évêques.
En 1238 les Templiers se virent invités à prendre pied en Europe orientale. Ils reçurent trois villages le long de la rivière Boug, et la forteresse de Lukow. Leur mission consistait à défendre la présence chrétienne dans la région.
Pendant le XIII ème siècle la présence des Templiers en Europe orientale est allée en augmentant et compta jusqu'à quatorze établissements et deux forteresses.
Les Templiers cédèrent la place à l'Ordre des Chevaliers Teutoniques dans la lutte contre le paganisme, sauf en Hongrie où ils maintinrent leur présence.
Les Commanderies
Une commanderie était un monastère dans lequel vivaient les frères de l'Ordre en Occident. Elle servait de base arrière afin de financer les activités de l'Ordre en Orient et d'assurer le recrutement et la formation militaire et spirituelle des frères de l'Ordre. Elle s'est constituée à partir de donations foncières et immobilières. Le terme préceptorie, est employé à tort : " …Il est donc absurde de parler de " préceptorie " alors que le mot français correct est " commanderie " ; et il est de plus ridicule de distinguer deux structures différentes, préceptorie et commanderie… "
Tous les hommes qui entraient dans l'Ordre, pouvaient faire don d'une partie de leurs biens au Temple. En outre, les dons pouvaient provenir de toutes les catégories sociales, allant du roi jusqu'au simple laïc. la majorité de ces dons étaient composés de biens fonciers ou de revenus de terres, mais les rentes ou revenus commerciaux n'étaient pas négligeables pour autant.
Les dons pouvaient être de trois natures différentes :
- donation pro anima : il pouvait s'agir d'une donation importante (qui était souvent à l'origine de la création d'une commanderie) ou alors d'un don foncier mineur ne portant que sur quelques parcelles. La motivation du donateur était d'invoquer le salut de son âme ou la rémission de ses péchés.
- donation in extremis : ce type de donation était réalisé en majeure partie par des pèlerins agissant par précaution. Ils effectuaient ce don avant de partir en Terre sainte. Peu nombreuses, ces donations ont été vite remplacées par le legs testamentaire.
- donation rémunérée : le donateur agissait dans le but de percevoir un contre-don. Il ne s'agissait pas exactement d'une vente mais plutôt d'un don rémunéré, assurant le donateur d'un avoir lui permettant de recevoir de quoi vivre. Le bénéficiaire (à cette occasion l'ordre du Temple) était également gagnant dans ce type de don, le contre-don étant d'une valeur inférieure. Le but de ce type de donation était de faciliter le processus de don, sachant que la cession de tout ou partie d'un bien foncier pouvait sérieusement entamer le revenu du donateur ou celui de ses héritiers. Il n'était pas rare d'ailleurs que certains conflits entre l'ordre et des héritiers survinssent en de pareils cas, le litige se réglant parfois par le biais de la justice.


Après la réception de ces dons, il restait à l'ordre du Temple d'organiser et de rassembler le tout en un ensemble cohérent. Pour ce faire, les Templiers ont procédé à nombre d'échanges ou de ventes afin de structurer leurs commanderies et de rassembler les terres pour optimiser le revenu qui pouvait en être tiré. On peut prendre le processus de remembrement comme parallèle, tout au moins à propos du regroupement des terres autour ou dépendant d'une commanderie.
Par essence, on peut citer tous les pays de l'Occident chrétien du Moyen Âge comme terres d'établissement de l'ordre du Temple. Ainsi, il y eut des commanderies templières dans les pays actuels suivants : France, Angleterre, Espagne, Portugal, Écosse, Irlande, Pologne, Hongrie, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas. De même, il existait des commanderies en Orient.
Selon Georges Bordonove, on peut estimer le nombre de commanderies templières en France à 796. La qualité de ces vestiges est très diverse aujourd'hui. Très peu ont pu garder intégralement leurs bâtiments. Certaines commanderies ont été totalement détruites et n'existent plus qu'à l'état archéologique, ce qui est le cas par exemple de la commanderie de Payns dans le fief du fondateur de l'ordre. En France, trois commanderies ouvertes au public présentent un ensemble complet : pour le nord, la commanderie de Coulommiers, en région centre se trouve la commanderie d'Arville et au sud la commanderie de La Couvertoirade.
Seuls les documents d'archives et en particulier les cartulaires de l'ordre du Temple permettent d'attester de l'origine templière d'un bâtiment.